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Education,  parentalité et société

Enfance suédoise, enfance idéale ?

Sur la Suède, on lit tout et son contraire : ce serait un pays fabuleux, presque parfait, les parents ne crieraient jamais, le sexisme n’existerait plus, l’enfance suédoise serait une enfance idéale. Ou à l’inverse, les enfants sont hors de contrôle, c’est un enfer pour les profs, c’est un pays xénophobe, etc.

La réalité ne serait-elle pas plus nuancée ?

Le Collectif Assez ! a fait quelques recherches sur les sujets relatifs à l’éducation des enfants 🔎. On vous en dit plus !

Les Suédois n’utilisent pas le time-out

Eh bien… c’est plutôt faux. Les programmes de parentalité positive proposés en Suède comportent aussi des recommandations de mise à l’écart dans certaines situations, en dernier recours, et dans des conditions spécifiques (1).
Les Suédois ne sont pas des surhommes et surfemmes, ils sont aussi humains et quelquefois, ils ont besoin de poser des conséquences et des limites aux comportements non acceptables. Et parfois il paraît même qu’ils crient aussi…

 

Les violences contre les enfants sont quasi inexistantes

Cette question est très compliquée. Nous allons donc essayer de répondre avec nuance.

Les chiffres semblent indiquer qu’en effet, en Suède les violences contre les enfants sont plus faibles que chez nous (en France), ou que dans certains autres pays occidentaux.
MAIS. Car il y a un mais, il n’y a pas vraiment de consensus sur les chiffres. En effet, tout dépend de ce qu’on comptabilise, et de comment on le comptabilise. Et sur ce type de sujet il est extrêmement difficile d’obtenir des chiffres fiables, car par définition ce type de violences peut être « caché ».

Cependant, il semble que certains chiffres qui circulent soient faux : par exemple le fait de prétendre que seuls 4 enfants sont morts par maltraitance en Suède entre 1981 et 1996, est faux. Il s’agit en fait des morts intentionnelles (les homicides involontaires n’étant pas intégrés dans ce chiffre, même dans le cadre de violences avérées) (2)

Parfois ils sont diffusés sous forme de nombre absolu et comparés à des chiffres d’autres pays, sans donner le pourcentage d’enfants concernés : or en 2021, la Suède comptait 10,42 millions d’habitants, et la France 67,7 millions d’habitants. Forcément, si nous vous disons qu’en France, 100 enfants sont morts des suites de violences intrafamiliales alors que 10 “seulement” sont morts en Suède, vous aurez l’impression d’une grande différence alors que ça n’est pas forcément aussi net. 

Si l’on prend les chiffres de l’UNICEF de 2003 (3), qui comparent les décès dus à la maltraitance des enfants des pays de l’OCDE, on peut voir que le pays avec le taux le plus bas de décès infantile par maltraitance était l’Espagne, qui n’avait pas encore banni les punitions corporelles (cela a été fait en 2007), et la Suède arrivait en 7eme position. La France arrivait à cette époque en 24ème position (sur 27 pays).

Les chiffres sont donc estimés pour la Suède à 0.6 enfant décédé par maltraitance / 100 000 enfants, 0.1 enfant / 100 000 pour l’Espagne, 1,4 enfant / 100 000 pour la France (les USA étant à 2,4 / 100 000, et le Portugal à 3,7/100 000 avec le taux le plus élevé des pays de l’OCDE en 2003).

Ces chiffres ne sont probablement plus tout à fait à jour, mais il n’y a pas eu d’autres rapports de l’UNICEF de cette ampleur depuis. Il est évident que ces chiffres sont extrêmement complexes à obtenir et à comparer, les données des différents pays n’étant pas toujours traitées de la même manière.

Mais on peut noter qu’à ce moment-là, plusieurs pays n’ayant pas encore banni les punitions corporelles en 2003 se trouvaient devant la Suède, comme l’Espagne, la Grèce, l’Italie et l’Irlande, et ce, 24 ans après la promulgation de la loi anti-fessée suédoise.

Cela questionne sur les facteurs qui impactent les violences envers les enfants.

Concernant les violences psychologiques et physiques,  les chiffres sont aussi compliqués à comparer car ce ne sont pas forcément les mêmes faits qui sont inclus et comparés. 

A titre d’exemple, une enquête française réalisée en 2015 auprès d’adultes, a mis en évidence que de 17,6% à 22,0 % des femmes, et de 12,9 % à 18,0 % des hommes déclaraient avoir subi au moins une forme de violence physique, sexuelle ou psychologique dans un cadre familial ou dans leur environnement proche avant l’âge de 18 ans (enquête virage) (4)

Dans une étude suédoise de 2019 (5), 13,2% des adolescents suédois de 15 et 17 ans déclaraient avoir subi des violences physiques, mais les violences émotionnelles ou psychologiques n’étaient pas incluses. 

Il est très complexe d’avoir des chiffres similaires : en effet, les questions posées ne le sont pas forcément à une population du même âge; les faits de violences enquêtées ne sont pas forcément les mêmes; la méthodologie des enquêtes peut varier etc. 

Il en va de même pour les violences sexuelles. Si l’on interroge des enfants d’une certaine tranche d’âge, par exemple 6-10 ans, on exclut de facto les enfants plus âgés. Or, il est important de prendre en compte  qu’en cas d’agression sexuelle dans l’enfance, les victimes parlent pour deux tiers d’entre elles 10 ans après les faits (6). Il est donc possible que l’enfant, sous l’emprise de son agresseur, ne déclare pas être victime. Cela pourrait conduire, dans certains cas, à une sous-estimation des violences réelles. 

Nous vous conseillons donc, devant des comparaisons de chiffres, de vous assurer qu’ils sont réellement comparables, et de bien identifier si les chiffres parlent de violences subies sur une année, sur toute l’enfance, si les populations sont similaires, etc. Parfois, il n’est tout simplement pas possible de comparer certains chiffres, alors mieux vaut s’abstenir de spéculer.

La Suède est un pays précurseur sur les droits des enfants

Eh bien, c’est plutôt oui ! Il s’agit du premier pays à avoir banni les punitions corporelles (en 1979), et ils ont intégré la Convention Internationale des Droits des Enfants à la loi suédoise en 2020. 

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu des précurseurs qui ont fait avancer les droits des enfants auparavant. Mais en tant que pays, ils ont porté ces droits de manière importante depuis presque une cinquantaine d’années. 

Les enfants suédois sont terriblement mal élevés

Cette question est extrêmement complexe et nous ne pouvons y répondre. 

Quels critères permettent de dire que les enfants sont « sans limites », pas assez « sages », qu’ils sont trop « bruyants »? Avec quels a priori issus de notre propre perception peut-on interpréter tel ou tel comportement, ou tel ou tel article allant dans un sens ou dans l’autre ? 

Il nous semble qu’il serait dangereux de trancher sur une telle question. 

Conclusion : il faut raison garder !

Nous sommes persuadées que la Suède est un pays où il peut faire bon vivre (si l’on ne craint ni le froid ni les nuits interminables), en avance sur les lois relatives au bien-être des enfants, cependant il faut toujours se méfier des discours tout blanc ou tout noir. Rien n’est jamais idyllique.

Lorsqu’on parle d’humains et de sociétés humaines, les choses sont toujours nuancées et complexes. 

 

Références

  1.  Successful implementation of parenting support at preschool: An evaluation of Triple P in Sweden, Anton Dahlberg, 2022 lien ici
  2. The Swedish Myth: The Corporal Punishment Ban and Child Death Statistics, Chris Becket, The British Journal of Social Work, 2005 lien ici
  3. A League Table of Child Maltreatment Deaths in Rich Nations, UNICEF, 2003 lien ici
  4. Enquête Virage, 2015 lien ici
  5. Child physical abuse, declining trend in prevalence over 10 years in Sweden, Therese Kvist, 2020 lien ici
  6.  L’inceste : un drame qui poursuit ses victimes toute leur vie, IPSOS, 2010 lien ici

 

2 commentaires

  • Laura

    Article très intéressant.
    J’habite en Suède depuis 15 ans et j’y élève mes enfants depuis 5 ans.

    Je suis entièrement d’accord sur la difficulté à comparer les chiffres et les études.
    Quand on discute avec les Suédois, on se rend compte que leur conception d’agression sexuelle, psychologique… est très différente de la notre.
    Pour mes collègues, une remarque un peu lourde sur la facon de s’habiller au travail est considérée comme une agression sexuelle et sera souvent rapportée aux RH.
    Pareil pour une personne qui drague de trop près dans un bar…

    Et certains de mes amis parents considèrent que de tenir un enfant pour le contraindre à se laver les dents ou lui crier dessus « tu es méchant/tu me saoules/tais toi » sont des violences psychologiques inacceptables (même si elles n’arrivent que rarement quand le parent est lui aussi à bout).
    J’ai déjà eu des remarques au parc parce que mon enfant pleurait/criait quand je lui demandais de partir. D’après ces gentilles personnes, j’aurais juste du attendre qu’il ait envie de partir et organiser mon planning en fonction de lui.

    Je pense donc que la définition de ce qui constitue une agression est propre à chaque culture. Si on posait des questions plus précises, on aurait probablement des réponses plus faciles à comparer.
    (Et je ne dis pas que les perceptions suédoise ou francaise sont mauvaises, elles sont juste diffférentes).

    Pour ce qui est de savoir si les enfants suédois sont mal élevés, je dirais clairement oui ! Mais c’est aussi une question de perception. Pour moi, sauter sur le canapé de la personne qui te recoit (sans lui demander son avis) ou se planter devant un inconnu qui grignotte des gateaux au parc en lui disant « donne moi ton gateau, je le veux » (à 8-10 ans) ou faire tomber un petit de 18 mois qui ne fait pas correctement la queue, c’est mal élevé.
    Mais le problème vient plus des parents qui eux trouvent que c’est un comportement acceptable et qui n’ont jamais demandé á leurs enfants de ne pas le faire voir vont les encourager à le faire (la queue c’est sacré !).

    Après le côté positif c’est que ce sont généralement des ado très cools car ils ont déjà fini leur crise d’ado et n’ont plus rien à tester. Et il y a aussi plein de choses très positives en Suède en matière d’éducation. Ce n’est juste pas un paradis comme parfois décrit, c’est un pays avec des très bonnes idées et des moins bonnes idées.

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