maternage proximal maternage distal culpabilisation
Articles,  Education,  parentalité et société

Maternage proximal, maternage distal: halte à la culpabilisation parentale !

Comme vous avez dû le remarquer si vous fréquentez les réseaux sociaux ou lisez des ouvrages à destination des parents, il existe de vifs débats sur la manière de s’occuper des enfants. 

Maternage proximal, quèsaco ?

Certains mouvements, inspirés par les écrits notamment du Dr William Sears, insistent sur le fait que le maternage (ou parentage) proximal est le meilleur pour l’enfant, et que tout cela serait, évidemment, appuyé par des faits scientifiques.

En quoi consiste ce maternage proximal (car la mère y a tout de même un rôle prédominant, même si on lui donne parfois le nom de parentage proximal) ? 

Il s’agit d’une parentalité où l’on choisit l’allaitement non écourté (avec un « sevrage naturel », si tant est que cela existe), le cododo, le portage dans des écharpes et autres moyens de portage physiologiques. Le Dr Sears semble également penser que la mère devrait rester avec son enfant les premières années de sa vie.

Il est évident que cela peut être un choix de vie pour certains parents, et que ce choix ne doit en aucun cas être discuté ou jugé

En revanche qu’en est-il de l’idée selon laquelle il s’agit du meilleur moyen de materner ?  

Des données scientifiques et des interprétations de théories très approximatives…

Le Dr Sears, comme certains autres médecins pro- maternage proximal, détourne en réalité des études scientifiques pour leur faire dire ce qui va dans le sens de sa théorie. En effet, à ce jour, aucune étude n’indique  que les méthodes de pleurs progressifs pour faire dormir les bébés affectent le développement de l’enfant, par exemple. Une partie des études citées par le Dr Sears sont des expériences faites sur des rats, et les autres concernent des enfants gravement maltraités (pour le détail des détournements des différentes études, vous pouvez consulter les articles cités dans les sources en bas de cette page). 

De même, concernant la théorie de l’attachement, le Dr Sears insinue s’appuyer sur les travaux de Donald Winnicott sur l’attachement, alors que les travaux de ce dernier ne donnent pas de mode d’emploi sur la manière de prendre soin, mais indiquent que l’attachement est très important pour le bébé, et qu’il a besoin d’une mère suffisamment bonne, soit une mère ordinaire normalement dévouée à son enfant. 

« Je ne voulais pas dire aux auditeurs comment s’y prendre. D’ailleurs, je n’en savais rien. J’avais envie de parler aux mères de ce qu’elles font bien, de ce qu’elles font bien simplement parce que chaque mère est dévouée à la tâche qui lui incombe, à savoir les soins nécessaires à un nourrisson, éventuellement à des jumeaux. Je lui dis que, normalement, les choses se passent ainsi et qu’il est exceptionnel pour un bébé de commencer sa vie sans bénéficier des soins d’une telle spécialiste »
D. Winnicott, « la mère suffisamment bonne ».

Une autre personnalité citée pour justifier le maternage proximal et décrier le maternage appelé « distal » par ces mouvances, est Hélène Stork, docteure en médecine, docteure ès lettres et sciences humaines, professeure de psychologie clinique et anthropologique à l’université de Paris-IV-Sorbonne-René-Descartes. Cette dernière serait convaincue que les méthodes de maternage des pays du sud, notamment, seraient les meilleures, et que l’occident aurait une méthode de maternage trop distante. 

maternage proximal maternage distal culpabilisation

Le maternage distal : une parentalité à éviter, vraiment ? 

Effectivement, Hélène Stork s’est beaucoup intéressée aux différentes façons de s’occuper des enfants selon les cultures. Dans l’ouvrage « Les rituels du coucher de l’enfant » qu’elle dirige, elle écrit « L’objectif (du livre, ndlr) n’est nullement normatif. Il ne s’agit pas de proposer la ou les « meilleures » manières d’endormir ou d’apaiser un enfant. Il s’agit plutôt à travers la comparaison des points de vue de relativiser les idées reçues – qui sont parfois ressenties spontanément comme une norme universelle – et d’engendrer la réflexion. ». Elle définit des maternages avec des modes de communication distants ou proximaux (distant étant un maternage plutôt par la voix et le regard, et proximal plutôt le toucher).

On voit bien que la manière dont elle définit le maternage plus distant (que certain.e.s appellent maternage distal) n’a rien à voir avec une relation pauvre et sans échanges, mais inclut des échanges qui se font dans des modalités différentes. Le mode de maternage plus distant permet, selon elle, un meilleur étayage du langage par exemple. 

Bien sûr, il est question dans ce livre de se questionner sur les normes, occidentales ou non (notamment celles prônées dans les années 90, durant lesquelles le livre est sorti). Elle prône une remise en question des injonctions, particulièrement en vogue quand le livre a été écrit, à laisser pleurer les bébés très tôt ou à ne surtout pas céder à leur pleurs car ils seraient des caprices (ces idées qui, probablement sont toujours présentes chez certain.e.s mais qui ont largement été rejetées depuis, et à juste titre), mais elle invite également à utiliser les deux modes de maternage, et pas uniquement le maternage proximal

En matière de parentalité, on fait souvent dire à la science ce qu’elle ne dit pas, et à un/une auteur/autrice ce qu’il/elle ne dit pas !

Pour conclure, nous vous laissons avec cette citation d’Hélène Stork : « Soulignons enfin que, si la dimension culturelle des comportements de soins aux bébés mérite d’être reconnue, elle ne doit pas faire sous-estimer pour autant l’infinie variété des comportements de maternage liés à une dynamique psychique individuelle des parents en fonction de chaque enfant particulier ». 

Alors faites-vous confiance, vous êtes « assez » !

N’hésitez pas à nous dire en commentaire ce que vous en pensez 🙂

Sources : 

  • Kate Pickert, « The Man Who Remade Motherhood” The Time
  • Elissa Strauss, “Attachment Theory Is Far More Forgiving Than Dr. Sears Makes It Seem”, Slate.com
  • Cynthia Eller, “Why I Hate Dr. Sears”, Brain Child Magazine.
  • Donnald Winnicott, « La mère suffisamment bonne »
  • Hélène Stork « les rituels du coucher de l’enfant »
  • Hélène Stork, « variations culturelles des techniques de maternage et de prévention précoce » sur Cairn

10 commentaires

  • Londoncam

    C’est extrêmement intéressant et évidemment plein de nuances. Cela m’amène aussi à reflechir sur ma maternité, dans le sens porter un regard sur elle, m’interroger sur ce que je fais spontanément. Un mélange de distal et proximal qui me ressemble, assurément !!

    • Le Collectif

      Merci beaucoup pour ce commentaire ! Notre avis est aussi que la plupart du temps, le maternage est un mélange de proximal et de distal et que le plus important c’est qu’il nous ressemble et nous convienne !

  • Laura

    Alors moi et selon ma propre et seule expérience de deux enfants ( et mon entourage ) j’ai remarqué que pour la plupart des enfants en général, le maternage « proximal » est efficace et « facile » pour l’enfant. Si tu es dispo à 90% du temps, tétées à la demande le soir, pas d’adaptation en nounou ou crèche, pas besoin de savoir dormir seul / en autonomie etc. Forcément c’est ce qui leur convient sans doute le mieux. Maintenant on a tous une vie plus ou moins moderne, un taf, des factures, ou même juste un besoin et un droit de faire autre chose. Et c’est okay. Et la facilité elle est pour l’enfant clairement pas pour le parent. Car être dépendant d’un enfant 24/7 c’est pas forcément le rêve de toutes.
    Je pense que effectivement on se pose beaucoup de questions sur les coliques par exemple, ou les pleurs de décharge, ou pourquoi c’est si compliqué de faire dormir un enfant ou de le poser dans un berceau ,alors que le maternage proximal peut y remédier en général. C’est intéressant de savoir ça. Ça veut pas dire que c’est ce qu’on peut / veut / doit faire et donc faut laisser la culpabilité aux toilettes. 👍🏻

    • Le Collectif

      Il est important de se faire confiance et de choisir ce qui nous convient le mieux, s’adapte au mieux à notre vie, à notre enfant, mais même les enfants ont des besoins différents, certains sont plus indépendants, d’autres plus fusionnels !

  • Dooreseau

    Ce post soulève plein de questions : attention, rafale 🙂
    Sait-on si la catégorie socio-culturelle des parents a une influence sur le choix de parentage ?
    Comment reconnaît-on une personne victime d’un dogmatisme ? Le dogmatisme du parentage proximal est-il lié à d’autres dérives ? (New-age, dogmes religieux…)
    Que sait-on de l’évolution des enfants élevés en parentage proximal ? (D’ailleurs j’ai l’impression que cela concerne les petits enfants, mais peut-on parler de parentage proximal pour de grands’enfants ou adolescents ?)
    Un lien de causalité entre parentage proximal et burn out parental a-t-il été mis à jour ?

    Bref que de questions !

    • Le Collectif

      Pour la question du milieu, c’est un vaste sujet qui nécessiterait de s’y plonger :-). Pour la question de la catégorie socio-culturelle : il y a quelques études que nous n’avons pas encore eu le temps dedécortiquer. Et à notre connaissance il n’y a pas encore d’études démontrant un lien entre parentage proximal et burn-out, le phénomène (en Occident) est trop récent. Mais nous notons ces questions pour de prochains thèmes !

  • Louise

    Comme toujours, les êtres humains, bébés ou adultes, sont tout en nuance 🙂 Merci pour votre super travail, c’est un plaisir de vous suivre !

    Je me permets de citer deux petites remarques anodines/assassines que j’ai déjà entendu plusieurs fois … Je pense qu’elles représentent parfaitement combien les gens sont mal à l’aise quand on fait « à sa sauce » niveau parentalité.

    – « Ah, vous ne faites pas de cododo ? » (bébé 8M). C’était dit sur un ton innocent, mais par des mamans qui venaient de conclure « le cododo (avec lit au sol) c’est ce qu’il y a de mieux pour l’enfant » et se regardaient d’un air entendu … Sans avoir dormi depuis des nuits. Alors oui, au début mon bébé a dormi sur moi (en version sécuritaire, of course) puis dans son berceau à côté du lit, puis dans son grand lit, au pied du nôtre … La chaleur arrivant, l’air dans la chambre devenait irrespirable à 3, on a décidé de la passer dans « sa chambre ». Elle dort comme un loir, et elle qui a très vite fait ses nuits a allongé d’encore une heure son sommeil. Donc si elle était vraiment mal ou me sentait distante, je ne pense pas qu’elle ferait des nuits de 11h … Quand j’explique ça, tous les arguments volent en éclat … Encore plus si je dis que c’est un lit à barreaux 😉

    – « Ah mais tu allaites (encore) ? Moi je t’avoue que ça m’embêterait, j’aurais l’impression d’être une vache » : ma remarque préférée (ou pas). Ça doit être mes origines normandes, je n’ai rien demandé mais mes connaissances se sont permises de me comparer à une vache. J’ai bien entendu cette remarque 4 ou 5 fois. Ça n’est même plus drôle au bout d’un moment … Je me suis posée la question de savoir pourquoi il y a cette nécessité de comparer une maman qui allaite à une vache, c’est comme si ça démangeait les gens de dire ça. Je suis preneuse d’explications, mais j’ai l’impression qu’un rapport décomplexé à son corps rend mal à l’aise les personnes qui ont justement des complexes (avoués ou non). Donc bon, j’accepte la comparaison, je me sens vache dans l’âme mais physiquement pas spécialement.

    • Le Collectif

      Malheureusement, lorsqu’on devient parent, les gens donnent leur avis sur tout et n’importe quoi. Quels que soient nos choix, ils sont toujours critiqués. C’est pesant et culpabilisant, nous sommes bien d’accord !

  • Marine Fortmann

    Merci pour cet article.
    C’est fou comme intellectuellement je suis à 100% en ligne avec ça… et puis quand vient le moment de remettre en question mon allaitement ( mon petit garçon a un mois) , car je suis épuisée et aimerais m’echapper de temps en temps ( et donc donner un biberon au papa… Enfin au bébé.. Par papa… On s’est comprise, Papa n’a pas soif lui) et bien c’est dur…. Je devrais continuer… À 100%… Ce ne sera plus un allaitement exclusif…, recommandé jusqu’à 6 mois… J’ai fais mieux pour ma première…. Etc… Etc…
    Pourtant je disais avnt la naissance  » Si c’est trop lourd j’arrêterai. Pas de pression « . Mais pression it is…. Pourquoi… Comment… Par qui ?! ( personne autour de moi, au contraire)….
    Je ne sais pas de qui j’attende une médaille, mais elle prend au dessus de ma tête… C’est très dur de prendre sincèrement de la distance par rapport à tout ça je trouve….

    • Le Collectif A!C

      L’allaitement s’accroche, c’est un fait, et il y a probablement une composante hormonale là-dedans qui nous échappe ! néanmoins, avoir réfléchi à ces questions avant que la situation ne se présente, permet sans doute de mieux vivre ce choix d’arrêt d’allaitement, avec moins de culpabilité et de regrets après ?

Laisser un commentaire